Auteur(e) :Quentin Parisis
Le Supra des années 80-90 a été l’histoire d’une communauté montréalaise déterminée à faire vivre le soccer dans une ville délestée d’une équipe pendant plusieurs années. Même si les difficultés ont été nombreuses, ce club a permis à certains grands noms du soccer québécois et canadien de faire leurs armes avant de connaître de belles carrières.

Nick de Santis, Mauro Biello, Alex Bunbury, Rudy Doliscat, Grant Needham, Patrick Diotte… Tous ces grands noms qui ont marqué d’une façon ou d’une autre le soccer québécois ont revêtu la liquette du Supra. Mark Watson, aujourd’hui Directeur technique aux Wanderers de Halifax, aussi.

L’objectif du club à sa création? Offrir une plateforme aux joueurs locaux. Pour la première année, 13 des 18 joueurs proviennent de la Ligue semi-professionnelle du Québec. Ils font partie des meilleurs de la province et on leur promet un bel avenir. La suite prouve que le sentiment était le bon.

Leurs adversaires? Quelques noms qui fleurent bon les décennies passées et qui rappellent de beaux souvenirs à ceux qui les ont connues, comme le Blizzard de Toronto, les 86ers de Vancouver, les North York Rockets…

À sa naissance en 1988, le Supra est un club communautaire au sens propre, comme au figuré. On a misé sur les Montréalais pour porter l’équipe sur le terrain et en dehors. Dans les statuts du club, la structure est aussi communautaire. La brasserie O’Keefe a piloté le projet de création du club et elle a été le principal commanditaire, soutenue dans sa démarche par le groupe Saputo, Ultramar et Bell, mais elle n’est pas considérée comme propriétaire. Le club agit comme une corporation à but non lucratif.

Les deux premières années, le club vit de ses recettes aux guichets, avec l’apport de ses sponsors. Dans les bureaux, les Québécois Pari Arshagouni, Francis Millien et Guy Burelle sont aux manettes et tentent comme ils le peuvent de subvenir aux besoins du club.

Malgré des difficultés, le club est porté par un élan d’enthousiasme et la volonté des joueurs.

Ce groupe de joueurs, qui n’a d’autre choix que de cumuler la pratique du soccer avec un emploi, a à coeur de redonner à Montréal une équipe, dont elle est dépourvue depuis 1983 et la disparition simultanée du Manic et de l’éphémère Inter de Montréal. Il y a de la jeunesse, de l’enthousiasme, sans doute un peu d'insouciance.

L’argent n’est pas vraiment au rendez-vous, mais l’histoire est en cours, le ballon est en jeu, le public se prête au jeu dans les travées du Complexe Claude-Robillard.

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(Photo : Collection Pasquale Ciffarelli-Quentin Parisis)

Une fin rapide, mais une histoire importante

En 1990, l’histoire prend un nouveau tournant. Frank Aliaga, un Floridien originaire de Montréal, reprend le club et installe Roy Wiggemansen sur le banc, un ancien joueur, notamment des Strikers de Fort Lauderdale, devenu entraîneur.

Ce choix est une réussite sportive: Wiggemansen est élu coach du XI de l’année, dans lequel figure le gardien de but Pat Harrington, aussi élu Joueur de l’année. Patrick Diotte et Michael Araujo figurent dans l’équipe-type de la saison.

La saison est formidable, le Supra laisse une belle image dans la ligue. L’équipe réalise une série de 18 rencontres sans défaite, mais elle chute en quart de finale des séries face au Steelers de Hamilton.

Les deux années qui suivent sont plus compliquées. Wiggenmansen s’en va pour le Blizzard de Toronto et une invraisemblable valse des entraîneurs (Firmani, Ferrante, Vosmaer, Mindru) n’aide pas à l’efficacité de l’équipe.

En 1992, l’équipe est en difficulté financière et le coup de grâce est porté avec la fin des activités de la ligue et du même coup, à celles du Supra.

Le club met fin à ses activités, mais le soccer professionnel ne s’arrête pas pour autant. Tout n’a pas été simple, loin de là, mais le Supra a laissé plus qu’une marque dans le paysage du soccer. À sa naissance, le club a permis de faire revivre le soccer; pendant ses années d’activités, il a permis à des joueurs québécois d’acquérir de l’expérience et de lancer leur carrière et à sa mort, il laisse un héritage sur lequel bâtir.

C’est sur les cendres du Supra que l’Impact de Montréal est né. La famille Saputo, déjà impliquée dans le Supra, reprend le flambeau pour lancer l’Impact dans l’ASPL. Plusieurs joueurs du Supra rejoignent les rangs de l’Impact. Mauro Biello ou Nick De Santis, pour ne citer qu’eux, sont ensuite devenus des légendes de l’Impact.

Clin d'œil de l’histoire, c’est sous l’impulsion de Rocco Placentino, un enfant de l’Impact, que le Supra renaît en 2026. Il en est le président et s’est donné pour mission d’offrir aux jeunes promesses québécoises une nouvelle plateforme pour s’exprimer.

Une belle histoire, digne de celle du Supra.