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Béland-Goyette: une perception différente du leadership

Les dents serrées, les traits tirés, le jeune capitaine faisait face aux caméras et aux micros quelques instants seulement après que son Valour FC se soit fait humilier 8 à 0 sur son propre terrain, face au puissant Cavalry, lundi après-midi.

Pas question cependant, pour Louis Béland-Goyette, de sombrer dans le négativisme. Pas question de chercher des excuses. Surtout pas question de s’avouer vaincu, même si la plus sévère dégelée enregistrée jusqu’ici dans la jeune histoire de la Première Ligue Canadienne pourrait laisser des séquelles à son groupe.

« Il nous reste sept matchs. Ce n’est pas terminé, surtout pas dans cette ligue ; tu en gagnes une et tu peux monter deux échelons au classement. Nous avons juste besoin d’enchaîner quelques résultats et d’être constants. Ça peut aller des deux côtés, mais j’ai espoir que nous nous regrouperons, que nous nous parlerons et que nous nous battrons jusqu’à la fin de la saison. »

Bien qu’historique, cette lourde défaite est avant tout le rappel utile d’une saison inaugurale en montagnes russes pour la troupe de Winnipeg et le footballeur québécois.

Après avoir terminé la campagne printanière au tout dernier rang, sur six défaites consécutives, avec seulement neuf points en poche et huit maigres buts marqués, le Valour a trouvé le moyen d’accrocher des résultats, dès le lancement de l’exercice automnal – qui se dispute sur 18 rencontres, contrairement à 10 pour la saison printanière. Avant ce match fatidique, Winnipeg se trouvait d’ailleurs à quatre petits points de la Cavalerie albertaine, grande habituée du sommet du classement.

Un renversement de situation qui est venu avant tout à travers un changement d’attitude drastique, selon l’ex-milieu de terrain de l’Impact de Montréal.

« Il fallait un changement de mentalité ; arrêter de se dire qu’on joue bien, qu’on est bons en possession, qu’on se fait de belles passes… c’est un business de résultats, il faut gagner, mais avant tout il faut travailler pour gagner. Oui, nous étions une bonne équipe, mais nous ne travaillions pas assez fort pour y arriver. »

« C’est certain que tout n’est pas encore parfait, mais je sens une équipe qui se bat. Dernièrement nous avons eu deux ou trois matchs où l’on tirait de l’arrière à la mi-temps et qu’on revient de l’arrière pour gagner. Quelque-chose qui ne serait probablement jamais arrivé en première moitié de saison, nous n’avions vraiment pas cette mentalité de grinders, d’aller se battre pour gagner un match. »

Valour FC's Louis Beland-Goyette. (Photo: Valour FC).
Valour FC’s Louis Beland-Goyette. (Photo: Valour FC).

Dès les balbutiements de son aventure en CanPL, Béland-Goyette, ou tout simplement « Louis », comme il aimait se faire appeler lorsqu’il était dans l’organisation de l’Impact, s’est imposé comme une pièce maîtresse du système de l’entraîneur Rob Gale, qui l’avait dirigé lors de ses passages en équipes nationales juvéniles. Le joueur de 23 ans a aussi hérité du titre de deuxième capitaine en août dernier et porte régulièrement le brassard depuis.

La lucidité remarquable avec laquelle il évalue les forces, mais surtout les faiblesses de son groupe, ainsi que ce franc-parler qui est en train de devenir sa marque de commerce, font de Louis l’un des jeunes leaders les plus proéminents du nouveau circuit canadien.

Si au chapitre de l’expérience-terrain le défunt FC Montréal lui a « tout donné », son passage avec la première équipe, bien qu’infructueuse au chapitre des minutes de jeu et de la continuité, lui a énormément apporté sur le plan humain, côtoyant quotidiennement des leaders de tout acabit, tels que Patrice Bernier, Nacho Piatti ou encore Laurent Ciman, avec qui il entretient par ailleurs une grande amitié à ce jour.

Mais ce sont surtout les enseignements du grand Didier Drogba qui ont marqué au fer rouge l’esprit du joueur de 19 ans qu’il était alors que le mythique éléphant ivoirien émerveillait le Québec.

« Tout ce qu’il a pu me dire, tout ce que j’ai entendu alors qu’il conseillait d’autres jeunes, je l’ai gardé avec moi. C’est est un joueur incroyable, mais avant tout une personne incroyable. Souvent on lit des anecdotes sur internet par rapport aux grands joueurs, Didier c’est exactement ça ; nous étions cinq jeunes qui restions souvent sur le terrain après l’entraînement pour pratiquer nos frappes et Didier c’était le seul qui restait avec nous, pour nous donner des conseils, nous expliquer comment il tirait ses coups-francs, comment il plaçait sa cheville, son corps, etc. C’était impressionnant de voir qu’un joueur de son statut, avec son histoire, soit aussi humble et tienne absolument à aider tout le monde autour de lui. Ça m’a amené une perception différente du leadership. »

Ces apprentissages s’avèrent on ne peut plus cruciaux pour le natif de Pointe-Claire dans une aventure aussi unique que la naissance d’un club et d’une ligue, avec tous les défis et les opportunités qui s’y rattachent.

« Si je me compare à certains joueurs dans l’équipe, j’ai plus d’expérience, j’ai joué, plus de matchs. Quand je repense à Didier, qui a joué en Ligue des Champions, au plus haut niveau et qui est arrivé à Montréal sans prendre personne de haut… c’est un peu ce genre de leadership que j’essaie d’apporter : avec beaucoup de respect, en étant là pour les joueurs, s’ils ont des questionnements ou des problèmes, de régler ça le plus rapidement possible. Au début de la saison nous avons eu beaucoup de difficulté à être un groupe, ça paraissait même dans les matchs et j’essaie de favoriser la vie de groupe, d’avoir une mentalité de gagnants, de donner de l’Importance à notre travail et de toujours viser plus haut. Didier te donne envie de jouer pour lui, tu as envie faire une bonne passe pour lui, de faire l’effort extra pour lui. Pour moi c’est ça un vrai leader. »

Il reste donc sept matchs au Valour FC pour tenter d’écrire la plus belle histoire de résilience de cette saison inaugurale de Première Ligue Canadienne. La gifle reçue aux mains du Cavalry, l’équipe à battre dans la CPL, aura assurément l’effet d’un cruel reality check pour cette équipe fort prometteuse, mais qui travaille encore son identité. Ne reste plus qu’à voir comment elle réagira collectivement à cet affront.

Une chose est assez claire cependant : il s’agit pile du type d’adversité dont se nourrit Louis Béland-Goyette et, peu importe l’issue, le jeune capitaine du Valour laissera tout sur le terrain, jusqu’à la toute dernière bataille.